Personnages

Jean Passepartout

Français. 30 ans environ. Domestique de Phileas Fogg.

Un solide garçon, à la poitrine large et à la taille forte ; très musclé, il possède « une force herculéenne que les exercices de sa jeunesse avaient admirablement développée. » Particulièrement souple et agile. Avec cela, une physionomie aimable, des yeux bleus, un teint coloré, des lèvres sensuelles et des cheveux quelque peu indisciplinés.
C’est un être doux et obligeant, fidèle, dévoué, et d’une rare honnêteté. Gai et expansif, très loquace, il se lie facilement. Son courage, son audace, sa présence d’esprit n’ont d’égal que sa modestie.
Passepartout tient son surnom de son aptitude naturelle à se tirer d’affaire. Ce Parisien a vécu « une jeunesse assez vagabonde… » : tour à tour chanteur ambulant, écuyer de cirque, professeur de gymnastique et sergent de pompiers. Aspirant à une existence plus calme, il émigre en Angleterre afin de s’y placer comme valet ; mais, après avoir pratiqué une dizaine de maisons, estime n’avoir pas encore trouvé le maître idéal. Il pense le tenir enfin en la personne de Phileas Fogg, un gentleman dont la vie régulière et la sédentarité sont bien connues. Embauché après un bref entretien, Passepartout se réjouit et entreprend de s’installer confortablement.
Joie de courte durée car, le soir même, il doit déchanter, et, avec un mince bagage, prendre le train de Douvres en compagnie de Fogg. En effet, celui-ci vient de décider « ex abrupto », à la suite d’un pari, d’accomplir le tour du monde en quatre-vingts jours. Dans la précipitation du départ, Passepartout oublie même d’éteindre le bec de gaz de sa chambre. Mais son dépit est de courte durée et, sa philosophie souriante reprenant le dessus, il entreprend de vivre le plus agréablement possible ce voyage qui lui réserve moult aventures et mésaventures.
En Inde, ignorant des interdits religieux du pays, le Parisien profane en toute innocence la pagode de Malebar-Hill, et doit faire le coup de poing avec des prêtres fanatiques. Quelques jours après, en pleine jungle, il surgit au beau milieu d’une cérémonie funéraire et enlève mistress Aouda, une jeune veuve que les brahmanes s’apprêtaient à brûler vive. A Hong-Kong, abominablement grisé et drogué par le policier Fix, le trop confiant valet est séparé de son employeur ; il arrive donc seul à Yokohama et, pour subsister, doit s’engager dans une troupe d’équilibristes.
Aux Etats-Unis, on le voit, jouant les acrobates, détacher la locomotive d’un train attaqué par les Sioux. Pris par ces Indiens vindicatifs, il leur laisserait son scalp si Fogg n’intervenait pas pour le sauver. Enfin revenu à Londres, le brave garçon se désole de voir que son maître a perdu son pari ; d’autant plus qu’il se sent coupable de ne pas l’avoir prévenu des manigances de l’inspecteur Fix, responsable de cet échec. Mais quel bonheur pour lui de découvrir, le lendemain, que le globe-trotter est arrivé avec un jour d’avance. Sans chercher à comprendre la cause réelle de cette erreur, le brave garçon arrache littéralement Fogg de son domicile et le conduit à son club, où il arrive dans les délais fixés par le pari.
La plus belle récompense de Passepartout sera, quarante-huit heures plus tard, de figurer comme témoin au mariage de Phileas Fogg avec mistress Aouda. En outre, il recevra une prime de cinq cents livres du généreux gentleman, — ce qui compensera le prix des dix-neuf cent vingt heures de gaz dépensées par étourderie !

Philéas Fogg

Britannique. 40 ans environ. Sans profession connue.
Grand, avec un léger embonpoint, mais qui ne le dépare pas, c’est un fort bel homme : un visage noble, au teint plutôt pâle, cheveux et favoris blonds, front uni et sans rides, œil pur et paupière immobile, dents magnifiques. « On disait qu’il ressemblait à Byron, — par la tête, car il était irréprochable quant aux pieds, — mais un Byron à moustaches et à favoris, un Byron impassible, qui aurait vécu mille ans sans vieillir. »
Ce gentleman se distingue par son flegme et son impassibilité, son équilibre et sa pondération. Très peu loquace, communicatif encore moins, on ne l’a jamais vu ému ou troublé (jusqu’au jour où mistress Aouda le « demandera » en mariage !) Il incarne l’exactitude la plus rigou­reuse : « Phileas Fogg était de ces gens mathématiquement exacts, qui, jamais pressés et toujours prêts, sont économes de leurs pas et de leurs mouvements. […] C’était l’homme le moins hâté du monde, mais il arrivait toujours à temps. » Méticuleux et très ordonné (sa garde-robe est numérotée). Pas prodigue, bien qu’on le voit dépenser sans compter au cours de son voyage, mais sachant se montrer charitable et généreux à bon escient. Plutôt misogyne, il demeure (apparemment) insensible au charme féminin : « Décidément Phileas Fogg n’avait de cœur que ce qu’il en fallait pour se conduire héroïquement, mais amoureusement, non ! » Courageux et secourable, il risque délibérément sa vie si les circonstances l’exigent.
A Londres, on s’interroge sur Phileas Fogg : il n’exerce aucune profession, n’appartient à aucune institution où association et on ne lui connaît ni femme ni enfants, pas plus que de parents ou d’amis. On le sait riche, mais on ignore la provenance de sa fortune, on pense qu’il a voyagé « car personne ne possédait mieux que lui la carte du monde. » Une chose certaine par contre : cet être mystérieux est membre du Reform-Club et y passe quatorze heures par jour ; ses seules distractions : la lecture des journaux et les parties de whist.
C’est au cours de l’une de ces parties que le gentleman affirme pouvoir effectuer le tour du globe en quatre-vingts jours, et parie sans s’émouvoir la moitié de son avoir avec cinq autres membres du club. Quelques heures plus tard, il prend le train pour Douvres avec son valet Passepartout et… vingt mille livres en billets. Ce départ précipité, et tout cet argent, vont bientôt faire croire que Fogg est le voleur qui a dérobé une somme considérable aux guichets de la Banque d’Angleterre. Aussi, dès son arrivée en Egypte, se voit-il suspecté par le policier Fix.
De navires en navires, de trains en trains, voire à dos d’éléphant ou en traîneau à voile, Fogg va accomplir son tour du monde sans jamais se laisser décourager par les obstacles rencontrés et les contretemps subis. Car, en vrai gentleman, il n’accepte pas de voir mourir sur le bûcher mistress Aouda, une jeune veuve indienne, ni de laisser son fidèle Passepartout aux mains des Sioux, encore moins de refuser de se battre en duel avec un Américain irascible. Il poursuit sa course, comme un météore, semant les banknotes à poignées, n’hésitant pas, pour la traversée du retour, à prendre le commandement d’un steamer, puis à brûler mâture et cabines dans la chaudière afin d’atteindre la côte irlandaise.
Son arrestation sur le sol anglais lui fait perdre de précieux moments, et il arrive à Londres avec cinq minutes de retard sur l’horaire prévu par le pari. En fait, ce que Phileas Fogg ignore, c’est qu’il a effectué son circuit en soixante-dix-neuf jours seulement, car il a gagné un jour sur le Soleil en voyageant toujours vers l’est. La demande en mariage inattendue de mistress Aouda et la présence d’esprit de Passepartout permettront quand même au globe-trotter d’arriver au Reform-Club dans les délais pour recevoir les vingt mille livres mises en jeu. Ce gain compensera à peine les dépenses effectuées, mais « l’excentrique gentleman n’avait, en ce pari, cherché que la lutte, non la fortune. » Quarante-huit heures plus tard, il épousera la ravissante mistress Aouda qui, elle, valait bien un tour du monde !

Fix

Britannique. Age non précisé. Inspecteur de police.
Petit homme maigre, présentant un visage assez intelligent. Contracte constamment ses muscles sourciliers ; yeux très vifs dont il sait, à volonté, éteindre l’ardeur. De tempérament nerveux et impatient, il est tenace, obstiné et très observateur. Conscient de ses qualités, il se montre parfois un peu orgueilleux. On peut lui reprocher aussi d’utiliser des méthodes peu orthodoxes pour arriver à ses fins. Mais le courage et le sens aigu du devoir dont fait preuve ce limier le rendent néanmoins plutôt sympathique.
Chargé d’enquêter sur le vol commis à la Banque d’Angleterre, Fix se trouve à Suez lorsque Phileas Fogg y débarque. Estimant que le signalement du cambrioleur correspond à celui de l’honorable Londonien, le détective croit fermement tenir déjà son coupable. Le malheureux ne se doute pas de ce que l’avenir lui réserve : le mandat d’arrêt se faisant attendre, le voilà obligé d’effectuer un tour du monde qui n’était pas prévu, car il ne veut absolument pas perdre la trace de Fogg. Durant la traversée des possessions de la Couronne, le détective va tout faire pour retarder la marche du globe-trotter, mais le mandat n’arrive pas. Par contre, au cours du périple à travers l’Amérique, il déploie tous ses talents pour accélérer le retour en Grande-Bretagne.
Sur le sol national, il peut enfin procéder à l’arrestation de Fogg, suivie presque immédiatement de sa libération, car le vrai voleur se trouve déjà en prison. Cette bévue vaudra au pauvre Fix de recevoir : primo, un magistral direct, assené par le gentleman désappointé d’avoir — croit-il — perdu son pari, secundo, cinq cents livres offertes par le même gentleman, incapable, au fond, de lui en vouloir.

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